Le Cycle de la probabilité, par Nancy Kress
Le Cycle de la probabilité de Nancy Kress se compose de trois volumes de 400 pages publiés en France en 2004 et 2005. Cette série a été développée à partir du récit « Les Fleurs de la prison d'Aulite ». Cette histoire, parue dans le magazine Asimov's Science Fiction, a été récompensée par le prix Nebula de la meilleure nouvelle longue en 1998. Les trois volumes du Cycle de la probabilité s’intitulent respectivement : Réalité partagée, Artefacts et Les Faucheurs. En anglais : Probability Moon, Probability Sun et Probability Space. Le lien entre les trois volumes est beaucoup moins évident avec les titres français, et pourtant ces trois livres font bien partie de la même saga. Ils ont tous les trois connu une réédition et ont été traduits par Monique Lebailly – sauf Les Faucheurs, traduit par Monique Lebailly et Florence Dolisi. Les couvertures ont été illustrées par Stephan Martinière. Le troisième volume a, quant à lui, reçu le prix John W. Campbell Memorial Award du meilleur roman de science-fiction en 2003, aux États-Unis.
Les histoires des trois tomes se situent dans un avenir relativement proche. Une guerre oppose le système solaire et le peuple des Faucheurs, immensément plus avancés que nous sur le plan technologique, et dotés d’armes qui semblent invulnérables. Voilà pour le contexte.
Le premier tome relate l’arrivée de scientifiques sur la planète Monde. Un groupe d’humaines et d’humains descend à terre, pour étudier le psychisme des autochtones, la géologie et la flore, tandis qu’une seconde équipe reste en orbite pour examiner une des lunes de la planète, qui présente des propriétés étonnantes.
Le deuxième tome nous raconte l’histoire d’une escouade de scientifiques qui retourne sur la planète Monde, et plus précisément aux Monts Neury, afin d’en analyser les caractéristiques géologiques. Cet amas rocheux, sacré pour les Mondien.nes, pourrait renfermer des éléments intéressants pour la race humaine. Si c’est le cas, peut-on tout simplement les prendre au peuple de Monde ? Les négocier ? Et si cela créait un déséquilibre sur la planète ?
Le troisième tome continue de nous faire part des aventures trépidantes vécues par les personnages rencontrés dans les premiers tomes, et nous présente une étape importante dans la résolution de cette guerre qui déchire les peuples faucheur et humain.
Certain.es reprochent à cette trilogie d’être trop intello et se sentent rabaissé.es par l’autrice (!). Dans le premier et le deuxième volume, il y a effectivement de longs passages « scientifiques ». J’ai trouvé ça très intéressant à lire. Personnellement les espaces Calabi-Yau, la dimension de Hausdorff et la physique quantique, le Rayon de Schwarzschild, la géologie et la botanique extraterrestres m’enthousiasment au plus haut point. Malgré ma formation littéraire, j’apprécie beaucoup ce genre de passages qui participent grandement au dépaysement. Tout cela pour dire qu’il n’est besoin d’aucune compétence particulière pour aborder cette trilogie. La lecture est exigeante, certes, mais quel bonheur !
Un roman écrit par une femme est très souvent taxé de mièvre. Il ne faudrait tout de même pas que les femmes se croient capables d’écrire aussi bien que les hommes ! Aucune mièvrerie dans le Cycle de la probabilité. En tout cas dans les deux premiers tomes. On a aussi reproché aux personnages du roman de manquer de profondeur psychologique. Reproche bien étrange, à vrai dire. Je lis de la SF depuis bientôt quarante ans, et ce n’est pas un genre qui se caractérise franchement par la profondeur psychologique de ses personnages… À croire qu’on exige systématiquement plus d’un roman écrit par une femme (ça doit être le syndrome de la crémière), et que les reproches les plus acerbes fusent beaucoup plus vite que pour les hommes. Aucune pitié !
Alors que les deux premiers tomes sont tout à fait palpitants, le dernier est ennuyeux à mourir. Je ne comprends pas comment on peut autant saborder son œuvre. C’est tellement caricatural que soit l’éditeur est intervenu pour demander à Nancy Kress de laisser tomber les passages « hard-science » pour ne pas effrayer les lecteur.trices, soit l’autrice avait trop peu de matière pour terminer son dernier tome, et a essayé de remplir ses pages tant bien que mal. Mais les deux premiers volumes sont tellement bien ficelés, maîtrisés et bien écrits que j’ai du mal à croire à cette dernière hypothèse.
Quoi qu’il en soit, le texte se trouve brutalement et totalement vidé de sa substance. La « science » est remplacée par un personnage qui ressemble à Madonna (et qui s’appelle, je vous le donne en mille : Magdalena), par de longs passages sur la religion catholique (euh ???), et par l'histoire d’une ado qui se demande si elle doit embrasser ce garçon et si ça va se voir qu’elle rougit. Bien sûr, je schématise, mais ce volume dépareille énormément par rapport aux deux précédents. Il faut attendre les cent dernières pages pour que le récit reprenne un peu de son souffle premier. C’est bien dommage.
Ne boudons cependant pas notre plaisir. J’ai adoré les deux premiers tomes et j’aurais aimé que ce cycle se termine en apothéose, comme le laissait présager le départ. Je ne regrette néanmoins pas ma lecture. Un texte très bien écrit, j’ai dévoré les trois volumes à la suite. Malgré une petite mise en garde à propos du troisième tome, je vous recommande chaudement cette série. Des planètes et même des galaxies entières, des tunnels spatiaux, de la science à gogo, des événements politiques qui semblent échapper à tout contrôle, un soupçon de linguistique avec un passage extraordinaire où l’une des protagonistes tente de nouer le dialogue avec une espèce aussi hostile qu’extraterrestre, des scientifiques fous qui débattent savamment sur ce qui les entoure, une profusion de fleurs et de bons gros vaisseaux interstellaires : Le Cycle de la probabilité est grand moment de SF, une œuvre très réussie, intelligente, riche en événements.
Le tunnel spatial #438 menait, à ce moment-là, à l’espace de Caligula, un système solaire humain qui possédait quatre petites planètes stériles, non-habitables. Une base militaire planait là, non loin des trois tunnels qui, inexplicablement, tournaient en orbite au-delà de la dernière planète. Quand un système solaire possédait plusieurs tunnels, ils tournaient toujours sur la même orbite mais, généralement, seules les étoiles possédant des planètes intéressantes en comptaient trois. Que l’espace de Caligula soit un tel carrefour restait l’un des mystères du système des tunnels.
Dès que l’Alan B. Shepard quitta Monde, un aviso partit du vaisseau de guerre Murasaki, qui orbitait autour du tunnel #438, afin de s’engager dans celui-ci et de gagner l’espace de Caligula. De là, il fonça à vitesse maximale dans le système de tunnels menant à Mars pour porter au haut commandement du CDAS les rapports classés secrets sur l’artefact.

Nancy Kress est née en 1948 à Buffalo dans l'État de New York. Elle est diplômée d'anglais et a embrassé quelques années la carrière d'enseignante. Elle a ensuite travaillé dans une agence publicitaire. Elle habite maintenant à Seattle, dans l'État de Washington.
Nancy Kress commence à écrire en 1976. Grande spécialiste du roman court ou de la nouvelle, elle n'hésite pas à rédiger des œuvres au long cours, majoritairement dans le domaine de la science-fiction, même si elle ne s’interdit pas quelques incursions dans le monde de la « science fantasy ». Spécialisée dans la SF « hard science », Nancy Kress maîtrise à la perfection une palette impressionnante de données scientifiques. Ses œuvres se déroulent souvent dans un avenir assez proche, ce qui leur confère une dimension très réaliste et permet au lecteur de se projeter facilement dans le récit.
Nancy Kress a écrit plus d'une trentaine de romans, ainsi que plus de cent trente nouvelles et romans courts, récompensés par les prix les plus prestigieux de la science-fiction. Nous reparlerons certainement ici de cette très grande écrivaine !
Bonne lecture !
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