De Synthèse, par Karoline Georges
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De Synthèse est un roman de 230 pages écrit par Karoline Georges. Il est sorti pour la première fois aux éditions Alto, au Canada, en 2017 et a été réédité par Folio SF, en France, en 2020. L'illustration de couverture a été réalisée par Aurélien Police.
Le Livre proprement dit
Une femme essaie de réaliser son avatar numérique tandis que sa vie est volontairement réduite au strict minimum. Son père, alcoolique, a de terribles accès de violence, et on vient de diagnostiquer un cancer à sa mère, elle aussi alcoolique.
Je me suis encore fait avoir !
Ce qui m’a incitée à acheter De Synthèse, c’est son titre, les prix reçus par l’autrice, le fait que le livre sorte en Folio SF, avec un bandeau argenté Folio SF, et une superbe couverture d’Aurélien Police. Mais où est la science-fiction là-dedans ?
Sur la page de Folio SF, on lit : Science-fiction : Univers parallèles, extraterrestres venant de planètes fabuleuses et technologies encore inconnues... La science-fiction vous fait voyager à travers le temps et l’espace, sans manquer de vous faire réfléchir sur notre société et, un peu plus loin : La collection Folio SF propose des récits et des romans d’imaginaires venus de tous les horizons, ouverts sur tous les univers : science-fiction, fantasy, fantastique… Mais aussi des œuvres inclassables, à la croisée des genres… Voilà, tout s’explique ! Folio ne savait pas comment cataloguer ce bouquin, du coup, ils l’ont mis dans leur sous-genre fourre-tout : SF. Mais quelle déception ! Pour ne pas dire quelle arnaque ! D’autant qu’au Canada, chez Alto, le livre est sorti en littérature générale. Alors pourquoi le classer en SF lors de son passage en France ?
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Si l’on suit la définition donnée par Folio SF de la SF, on ne trouve dans ce livre ni extraterrestres, ni planètes fabuleuses, ni technologie encore inconnue. Il y a bien quelques univers parallèles, mais il ne s’agit que de l'Internet et du métavers, on a aussi droit à quelques rares androïdes domestiques ou soignants. Alors oui, à la fin, l’autrice se demande ce que des extra-terrestres penseraient de son hologramme. Elle se pose juste la question, ce n’est bien sûr pas creusé. Mais cela suffit-il à faire de la science-fiction ?
Je comprends qu’on puisse écrire un bouquin sur un sujet hyper-nombriliste et entièrement égocentré, je comprends même qu’un éditeur puisse voir un intérêt à le publier. Mais pas en science-fiction !
En gros, j’ai ouvert ce livre pour y rechercher une réflexion et/ou un dépaysement, et je me suis retrouvée empêtrée dans les histoires de quelqu’une uniquement préoccupée par l’image qu’elle veut donner d’elle-même à elle-même, pour elle-même. Elle évolue dans une réalité sordide : son père alcoolique cherche à tuer son épouse avec un fusil, sa mère démissionnaire, elle aussi alcoolique, est atteinte d’un cancer. Le ton est monocorde, détaché, froid, désincarné, exactement ce que cherche la protagoniste. Il n’y a aucun dialogue. La fin est tellement convenue que j’ai failli en avoir un fou rire nerveux.
Le discours de De Synthèse n’a rien de futuriste. Il est impossible d’extrapoler, de sortir de nos passés et de nos présents « réels », car l’autrice utilise des marqueurs temporels très forts. Elle mentionne notamment la série Jinny de mes rêves, de 1969, inconnue au bataillon en ce qui me concerne. Alors lire pendant des paragraphes à n’en plus finir sur les super habits super roses de la super Jinny a fini par m'exaspérer au plus haut point. Karoline Georges parle aussi des Dents de la mer, 1975, et surtout de Grease, 1978, avec des tartines sur des pages et des pages et des pages et des pages à propos d’Olivia Newton-John. Elle cite également l’album True Blue de Madonna ou la catastrophe de Tchernobyl (1986), puis l’avènement d’Internet et du métavers. On avait dit « science-fiction », non ?
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Vis ma vie de no life
La vie de la protagoniste est réduite au strict minimum. Elle ne sort pas, ne voit personne, n’a pas d’amis, ne parle pas, ne mange pas, il ne lui arrive pas grand-chose, il n’y a rien à raconter.
La vie de no life n'étant pas des plus trépidantes, l'autrice passe son temps à vous raconter, non, pas à vous raconter ! à vous lister ce que sa protagoniste regarde à la télé, et comment sont habillés les personnages.
À vrai dire, ces réflexions sur l’image, ces problèmes de blessure patriarcale ou paternelle auxquels une adolescente cherche à échapper en transcendant son image auraient pu présenter un intérêt. D’ailleurs, au début, j’étais très enthousiaste à l’idée de voir comment l’autrice allait mener sa narration. Mais très vite, je me suis lassée des innombrables et interminables tâtonnements du personnage principal. Et sincèrement, lire les programmes de toutes les émissions télé du Canada sur plusieurs décennies passées n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus affriolant dans la littérature, a fortiori dans la littérature censément de science-fiction.
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Court Extrait
Le rose du costume de Jinny suffisait à m’illuminer. Quelques notes de la musique du générique, quelques mouvements de l'avatar en dessin animé du personnage et j'oubliais les longues heures passées à l’école à ne rien apprendre. Les vitraux colorés de la bouteille où elle s’engouffrait et son environnement de coussins de satin et de velours me projetaient dans une dimension d’opulence, de richesse pure qui m’oxygénait. Jinny avait cette légèreté. Cette manière de tout rendre lumineux, sans conséquence. Elle aimait avec une impensable intensité. Je ne savais rien de ce type d’amour là dans le vrai monde. Ce bonheur de l’autre. Ce désir d’être ensemble. Il suffisait que je lève les yeux de l’écran quand ma mère traversait la pièce pour éprouver à nouveau l’infinie dévastation qui la rongeait. J’étais soudain prise de vertige. Hors de la télévision, tout semblait menaçant, obscur, trop lourd. Et je n’avais qu’une envie : plonger davantage dans l’écran.
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La Notice de l’Autrice
Karoline Georges est une écrivaine québécoise née à Montréal en 1970.
Elle suit des études en arts interdisciplinaires, cinéma et histoire de l'art à l'Université du Québec.
Son premier roman paraît en 2001, suivis par d'autres fictions, un roman pour la jeunesse, un recueil de nouvelles et un autre de poèmes. Elle écrit également des articles pour la presse littéraire ou artistique.
L'œuvre de Karoline Georges s'exprime sur différents supports et a plusieurs fois été primée, notamment au Canada.
Bonne lecture (malgré tout) !