L'Enfant de Saturne, par Nichelle Nichols et Margaret Wander Bonanno
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L’Enfant de Saturne est un roman de 430 pages écrit par Nichelle Nichols et Margaret Wander Bonanno (Margaret, sans H final, malgré ce qui est indiqué sur la couverture). Il est paru en 1996 chez Claude Lefranq Éditeur, à Bruxelles, en Belgique. La traduction nous est servie par Dimitra Hengen, et l’illustration de couverture a été réalisée par Jean-Jacques Chaubin.
L’Histoire proprement dite
Un peuple extra-terrestre habite depuis des années sur Titan, cette lune de la planète Saturne, dans notre système solaire. Bien entendu, les Terrien·nes finissent par s’en apercevoir, et un premier contact a lieu. S’ensuit toute une série de problèmes juridiques et personnels car, bien que le contact ait été très amical de prime abord, les humain·es sont en droit d’exiger du peuple fazisien qu'il quitte le système solaire. Quelle va être leur décision ? Comment vont réagir les Fazisien·nes ? Ce premier contact sera-t-il vraiment sans aucune conséquence ?
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Mon Avis
L’action est très lente, avec pléthore de détails. C’est un roman très ambitieux, avec de très (trop ?) nombreux arcs narratifs. C’est sympathique, cela occupe, mais je ne vois pas bien l’intérêt de relancer une histoire à quatre pages de la fin, par exemple, alors que l’on n’aura plus le temps de la développer. Même si c’est parfois difficile, il faut savoir s’arrêter. L'Enfant de Saturne est, quoi qu’il en soit, un livre qui vous tiendra en haleine si vous appréciez les histoires au long cours.
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L’Enfant de Saturne est un roman de SF accessible à tous les publics, qui nous présente un peu de hard science et nous parle de génie génétique, de stérilité masculine, de procréation médicalement assistée, et de préjugés qui accompagnent les relations entre personnes provenant d’univers différents. À ce sujet, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Deux êtres issus de deux systèmes planétaires distincts sont attirés l’un par l’autre. Plutôt que de laisser faire la nature, et leur désir réciproque, ils en viennent directement à une insémination artificielle, et à une grossesse extra-utérine, en laboratoire. Il y avait des façons bien plus simples de résoudre cette tension qui les habitait tous les deux (enfin, à ce que je me suis laissé dire !) Bref, le roman présente parfois quelques raccourcis bizarroïdes qui défient l’entendement.
Aux deux tiers du livre, les personnages principaux disparaissent tout bonnement de la circulation, et on n'entend plus parler d’eux pendant un très long moment. C’est assez extrême, là encore, et tant pis pour vous si vous vous étiez attachés à eux.
Pour rester dans les critiques, le roman n’a, encore une fois, pas été corrigé. Enfin si : dans les premières pages, l’éditeur nous indique que la correction a été effectuée par « Phénix Services ». Mais c’est encore pire ! Comment expliquer que l’on laisse des expressions telles que « cela n’a rien avoir avec… », « se rappeler de », « bénéficier des résultas de ces recherches » ou les très nombreux « la plus part » pour « la plupart »... C’est agaçant, à la fin !
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Un dernier aspect qui m’a chiffonnée, c’est qu’on parle des personnages féminins au masculin (« Le docteur » Nyota qui avait par ailleurs été « administrateur » sur Mars, une femme qu’on dit « expert linguistique », etc.) Alors certes, l’éditeur et le fameux service de correction ne sont pas en cause : c’est ainsi que l’on faisait à l’époque, d’autant plus que la plupart (et non la « plus part ») des personnages présentés dans le roman sont de très grands scientifiques bardés de titres, et que les titres n’étaient autrefois que très rarement déclinés au féminin. Mais maintenant, ça accroche. Vous devez parfois relire les phrases plusieurs fois pour bien comprendre de qui l'on parle. On a perdu l’habitude de voir autant de masculin partout. On s’y perd, et on voit bien au passage que le « masculin générique » n’est pas aussi évident que ce que l’on nous a rabâché pendant si longtemps à l’école.
Malgré tous ces bémols, j’ai bien aimé ce livre. C’est dépaysant, et on sent bien l’esprit Star Trek qui sous-tend tout le roman. C’est une histoire riche en développements, qui saura vous accompagner un petit moment. C’est agréable à lire. L'Enfant de Saturne n’est certainement pas le roman de SF ultime qui vous plongera dans des abîmes de réflexion pendant des mois, mais il reste très correct, et pourra très bien servir d’introduction à la science-fiction.
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Court Extrait
Ils venaient d'un système que les Terriens appellent Vega et d'une planète qu'ils nommaient eux-mêmes Fazis. Pendant plusieurs siècles, ils avaient lancé, dans l'espace, des générations successives de vaisseaux pour établir des avant-postes qui devaient ensuite s'unir afin de former un cordon de colonies permanentes. Le plus éloigné d'entre eux, Outlyer-21, était suspendu, comme un joyau, à plus de soixante-dix millions de kilomètres de l'orbite de la planète la plus éloignée de leur Système solaire. Certains Fazisiens avaient passé leur vie entière dans ces stations spatiales. Mais Krécis n'était pas l'un d'entre eux.
Son équipage et lui avaient parcouru un long chemin, loin de leur terre natale. Avaient-ils voyagé si loin pour succomber à une panne, l'espace d'une fraction de seconde ?
Les Notices des autrices
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Margaret Wander Bonanno est une écrivaine américaine née en 1950 et décédée en 2021, à l'âge de 71 ans. Elle a écrit sept romans dans l'univers Star Trek, ainsi que des romans indépendants, des nouvelles, une biographie et d'autres récits étiquetés comme féministes.
Bien que ses premiers romans Star Trek aient reçu un excellent accueil, la nouvelle licence de la série a exigé, dans les années 90, un droit de regard accru sur les productions littéraires liées à ces univers. C'est ainsi qu'un des romans de Margaret Wander Bonanno a été totalement remanié et réécrit pour mieux correspondre à ce qu'en attendait la licence. Malgré cela, le roman a été édité à un très grand nombre d'exemplaires, et a connu un franc succès. Mais Margaret Wander Bonanno ne l'a pas entendu de cette oreille. Elle a complètement désavoué le roman et a proposé à la place son texte original. Bien entendu, la sentence n'a pas tardé à se faire connaître : l'autrice a été complètement blacklistée, et n'a plus pu écrire pour Star Trek. Elle n’a pu revenir à cet univers que dix ans plus tard, et encore, de façon très timide.
Margaret Wander Bonanno a écrit plus de vingt romans, pour Star Trek, certes, et plus généralement dans l'univers de la science-fiction. Ses œuvres ont beaucoup été traduites en allemand, et bien entendu pas en français, comme d'habitude. L’Enfant de Saturne a été transposé en français, mais par un éditeur belge. Cela n'ôte rien à la qualité du travail éditorial, néanmoins cela démontre, une fois encore, la grande frilosité des éditeurices français en matière de SF. C’est dommage, car l’œuvre de Margaret Wander Bonanno mériterait d'être plus largement connue et diffusée.
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Nichelle Nichols n'est plus à présenter, mais je vais le faire quand même. Nichelle Nichols est une actrice américaine née en 1932 à Chicago, et décédée en 2022 dans l'état du Nouveau-Mexique, à l’âge de 89 ans.
Après divers spectacles de danse et de chant, et divers petits rôles au cinéma, elle devient immensément célèbre, dès 1966, en incarnant le rôle de Nyota Uhura dans la série Star Trek (et pour dire qu'on est encore loin d'accepter le féminin pour les noms de titre, la fiche Wikipedia de l'actrice nous parle « dU lieutenantE Nyota Uhura »...)
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C'est la première fois dans l'histoire de la télévision qu'une femme se voit proposer un rôle de gradée, c'est aussi la première fois qu'une femme noire accède à un rôle principal. Et que dire de son baiser avec un homme blanc, en l'occurence William Shatner, qui incarnait alors le capitaine Kirk ! Cela ne choquerait plus maintenant (quoique…) et même s'il reste encore beaucoup de progrès à faire pour que l'humanité s'accepte tout simplement dans sa multiplicité, on mesure le chemin parcouru depuis cette époque.
Outre le chant, la danse et son jeu d'actrice à la télé et au cinéma, Nichelle Nichols a également écrit ou coécrit plusieurs nouvelles et romans, dont L'Enfant de Saturne. Elle a également été conseillère auprès de la NASA, pendant de très nombreuses années, pour promouvoir le recrutement des femmes, mais également des personnes racisées, par l’agence spatiale américaine. Enfin, il est à noter que Nichelle Nichols a même laissé le nom de son personnage, Nyota Uhura, à notre chat. C'est pour vous dire à quel point j'ai de l'estime pour cette femme extraordinaire !
Bref, Margaret Wander Bonanno et Nichelle Nichols sont deux splendides autrices. N’hésitez pas à les découvrir, notamment grâce à leur roman commun, L’Enfant de Saturne.
Bonne lecture !