Mojo, par Antoni Guillen et Matthieu Chedid
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Précision : personne ne m'a demandé de chroniquer ce jeu. Je ne connais pas l'auteur, ni l'éditeur, ni l'illustratrice. La boîte ne m'a pas été offerte, je l'ai achetée avec mes propres sous. |
Mojo est un jeu de cartes d’Antoni Guillen, publié fin 2023 chez The Flying Games. Il a été très joliment illustré par Christine Alcouffe.
Il y a des gens qui essaient de faire plier des cuillers. Moi qui ai une poisse légendaire, je m’échine depuis des années à faire plier le hasard.
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On m’a présenté Mojo en me disant : « Tu verras, c’est un jeu très bête : tu as une carte sur la table, si tu poses la même valeur, tu rejoues, si tu mets une valeur inférieure, ça va, sinon, tu dois repiocher une carte ». Si seulement ça pouvait être aussi simple ! Car Mojo est un jeu cruellement pervers.
La règle est effectivement telle qu’énoncée plus haut, le but du jeu étant de ne jamais atteindre ou dépasser 50 points, auquel cas on perd la partie. Les cartes sont donc posées au fur et à mesure sur la table. Dès qu’une personne n’a plus que trois cartes en main (ou deux cartes, lorsque l’on joue à deux), elle les place face cachée devant elle, et n’a plus le droit de les jouer dans la pile de défausse. Elle se contente ensuite de les retourner, l'une après l'autre, quand revient son tour. Les autres essaient alors le plus possible de se débarrasser de leurs cartes qui, autrement, compteraient comme des points négatifs.
La personne qui pose ou révèle la dernière carte de la manche prend la carte Mojo. Si le total de ses points est inférieur ou égal à celui des autres joueurs et joueuses, tout va bien, elle ne marque aucun point. Si ce total est supérieur, malheur : elle marque ses points négatifs, plombés par dix points de pénalité supplémentaires.
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Les cartes sont classées par grandes familles de couleur et, vous vous en doutez, leur répartition est parfaitement inégale. Vous avez par exemple beaucoup plus de 12 que de 1 ou de 0. Forcément, sinon, ça ne serait pas rigolo. En fin de manche, on ne compte que la valeur la plus forte d’un groupe. Si, en orange, vous avez trois 8, un 9 et un 10, c’est « seulement » le 10 que l’on prend en compte. On additionne ainsi les plus fortes valeurs de chaque groupe de couleur pour obtenir le score final de la manche.
Si vous avez du mal à visionner les couleurs, ce n’est pas un souci, cela a été prévu par l'illustratrice. Chaque couleur est en effet discrètement représentée par un petit animal, ce qui permet une parfaite lecture des cartes.
Pour espérer gagner, une des stratégies pourrait consister à se débarrasser de ses cartes les plus faibles, pour obliger les autres à jouer une valeur supérieure, et donc à piocher. Cela signifie néanmoins qu'à la fin, vous n'aurez probablement plus en main que des valeurs très fortes, celles qui vont vous accabler de points négatifs. D'un autre côté, si vous jouez vos cartes très fortes, il y a un grand risque que vous deviez repiocher, et donc un risque non négligeable de piocher des valeurs élevées, puisqu'elles sont plus nombreuses. L’équilibre est difficile à trouver. Toute la subtilité du jeu consiste à gérer au mieux sa main pour arriver tout en douceur en fin de manche, et marquer le moins de points possible. Plus facile à dire qu’à faire. Le jeu réserve des surprises jusqu’à la toute dernière carte, et les atterrissages sont souvent douloureux.
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Indiqué pour trois à huit personnes sur la boîte, Mojo est excellent dans sa version à deux. À plus nombreux.ses, le chaos augmente, forcément, et ça devient un jeu d’ambiance très sympathique. Il existe aussi une variante avec deux défausses, qui vous permet de choisir où poser votre carte, et où piocher si vous jouez une valeur supérieure. Dans cette version, attendez-vous à un temps de partie et un temps de réflexion quasi doublés. Vous êtes tout à coup beaucoup moins tributaire des aléas de la distribution, vous avez beaucoup plus de possibilités de jeu, de pioche, et vous essayez bien entendu de maximiser ces chances. Personnellement, c’est la version que je préfère : à deux personnes, avec deux défausses. Ce n’est qu’ainsi que j’arrive à faire plier, un peu, ma cuiller !
En vieillissant, j’ai de plus en plus l'impression de toujours jouer à la même chose, à une énième redite sans grand intérêt des mêmes jeux. Mojo, pour une fois, c'est différent. C'est osé. C'est talentueux. Ça donne des sueurs froides, ça fait hurler à chaque fois qu'on pioche une sale carte ou se féliciter jusqu'à la fin des temps car votre adversaire a joué un 8, et que vous en avez justement cinq en main (si vous jouez une valeur identique à celle qui est posée sur la table, rappelez-vous, vous avez le droit de rejouer jusqu'à ce que vous changiez de valeur). Mojo, c’est neuf, et bien plus subtil qu’il n’y paraît.
D’ailleurs, c’est bien simple, Mojo, c’est tellement bien que - M -, Matthieu Chedid, a décidé d’en chanter les louanges dès 2012. Et puis moi aussi, je veux bien aller danser de façon ridicule avec monsieur Chedid devant un Space Invader ou devant la funeste Académie française – avant, bien sûr, de faire une excellente partie de Mojo !
Bon jeu (en musique) !
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