Et pour quelques Gigahertz de plus…,par Ophélie Bruneau

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Gigahertz Ophélie Bruneau SF

 

       Et pour quelques Gigahertz de plus… est un roman de 220 pages écrit par Ophélie Bruneau. Il est paru chez Ad Astra en 2012. L’illustration de couverture a été confiée à Laurent Guillet.


       L’Histoire
       La lieutenante Shania Artemisia se fait implanter une interface neurale avant de reprendre son poste d’attachée de communication à bord du FS2 Viking, commandé par Jean-Frédéric Serrano. L’équipage est envoyé vers le système de Vikler, pour analyser les planètes qui le composent, et éventuellement établir un premier contact. Malheureusement, lorsque le vaisseau arrive sur site, il tombe en plein milieu de… Ah ben non, désolée, ça, je ne peux pas vous le révéler, il vous faudra lire le roman pour le découvrir !


       NaNoWriMo
       Et pour quelques Gigahertz de plus… est le premier roman d’Ophélie Bruneau. Il a été composé en 2006, à l’occasion du « NaNoWriMo 1 » soit le National Novel Writing Month ou, en français, le « Mois national d'écriture de roman ». C'est un défi que se lancent les gens pour écrire un roman d'environ 175 pages en un mois. Il a été créé en 1999, avec 21 participant·es. En 2022, il comptait plus de 400.000 participant·es à travers le monde entier. Il n’y a rien à gagner, juste la satisfaction de mener à bien son projet. Cela donne souvent un formidable coup d’accélérateur pour aider celles et ceux qui rêvent de s’y mettre, sans pour autant oser passer le cap.
       Ophélie Bruneau est une adepte de l’exercice, puisqu’elle a participé à une dizaine de ces éditions depuis 2005. Quatre des romans écrits à ces occasions ont par la suite été publiés, pour notre plus grande joie.


       Les Défauts
       Comme souvent, l’éditeur s’emballe un peu sur la quatrième de couverture, car après tout il faut bien vendre. Ainsi, lorsqu’il qualifie le roman de space opera alors que ce n’est pas le cas, il crée pas mal de frustration chez les amateurs et les amatrices du genre. En fait, Et pour quelques Gigahertz de plus… nous parle juste d’un vaisseau qui part explorer un système stellaire éloigné. Rien de plus, rien de moins.
       On reproche à l’autrice de ne pas avoir creusé ses personnages. Certes, mais en 220 pages, il ne faut pas trop espérer voir le développement et l’analyse de traits psychologiques affinés à l’extrême. Cela se ferait au détriment de la narration, de l’action, et cela risquerait d’être profondément ennuyeux. L’autrice a malgré tout réussi à créer des univers très particuliers, décrits de façon très visuelle, en dépeignant par ailleurs les us et coutumes de peuplades éloignées de façon fort pittoresque, intrigante, et parfaitement cohérente avec le reste du roman.
 

verres d'alcool 3
Une image de Prem Pal Singh Tanwar sur Pexels


       Le titre, Et pour quelques Gigahertz de plus…, ne représente pas vraiment le livre. À un moment, on frôle l’explication, mais ce n’est pas encore tout à fait ça. En revanche, ce titre indique que le roman adopte un ton parodique, ce qu’il faudra garder à l’esprit tout au long de la lecture.
       Le roman a manqué de correction, comme d’habitude, les éditeurices ne se donnant pas la peine de revoir les textes, ou à peine. C’est surtout flagrant dans les deux derniers chapitres, dommage.
       En vérité, ce qui m’a le plus dérangée, c’est cette couverture. On y a voit une femme avec de gros seins (évidemment), jambes en l’air, cheveux qui flottent. Dans l’espace ? Peu crédible avec cet accoutrement. Dans l’eau ? Plus probablement, mais pourquoi ? Serait-ce que l’illustrateur s’est tapé un gros délire sur… le prénom de l’autrice, le rapprochant de ce fameux personnage d’Ophélie qui se noie 2 ? Franchement, c’est à se demander, et si c’est le cas, consciemment ou non, c’est vraiment très malsain 3. En tout cas, sachez-le, cela n’a strictement rien à voir avec ce qui est raconté dans le roman, même de très loin.
 

Spaceship planets space cosmos Ophélie
Une image de Willgard sur Pixabay


       Mon Avis
       Malgré ses petits défauts, ce roman a été pour moi une très agréable surprise. Les plus perspicaces d’entre vous auront remarqué que le nom du capitaine, Jean-Frédéric Serrano, a probablement été inspiré par Heris Serrano d’Elizabeth Moon (dont il avait été question ► ici, avec un super bouquin), que je venais juste de terminer. Mais contrairement à ce livre où l’on entend beaucoup parler de chasse et d’équitation, la SF est bien présente dans Et pour quelques Gigahertz de plus... Ce n’est pas un simple décor, elle imprègne tout le texte. De fait, ce roman aurait toute sa place dans l’univers de Star Trek TNG ou pourrait être une ébauche d’un épisode des premières saisons de The Orville. Le ton est effronté, plein d’humour. Le roman est pimenté tout du long par des blagues gentiment graveleuses. Si, comme moi, vous détestez la SF rigolote, pas d’inquiétude, c’est tout à fait supportable, et vous vous surprendrez même parfois à sourire.
       Malgré son apparente légèreté, le roman nous présente quelques réflexions bien senties sur le pouvoir, la démocratie et la propagande qui les accompagne souvent. Il nous parle aussi de manipulation de l’information, d’idéalisme, de frites et de croissants frais, de laisser son empreinte dans l’histoire, ou encore de l’influence que peut avoir un bête jeu vidéo sur nos actions dans la vraie vie.

Une image de 11333328 sur Pixabay


     J’ai d’ailleurs beaucoup aimé cet aspect « jeu vidéo » que l’autrice a très bien su développer.   Oh, bien sûr, j’aurais préféré qu’elle nous parle de jeu de société, mais ne boudons pas notre plaisir, pour une fois que le sujet est abordé, de surcroît par une personne qui sait de quoi elle parle.
       Et pour quelques Gigahertz de plus… est un des meilleurs « premiers romans » que j’aie lu jusqu’à présent. C’est un roman léger, au ton déluré, qui ne se prend pas au sérieux. Le récit bénéficie par ailleurs d’un excellent tempo, ni trop lent, ni trop court, sa progression est toujours très fluide. Il prend régulièrement une tournure à laquelle on ne s’attend pas du tout. Loin d’être déstabilisant, cela rend la lecture plutôt drôle et captivante. Bref, c’est une belle réussite !

« Défense d'entrer », vous comprendrez pourquoi en lisant le bouquin !


       ​​​​​​​Court Extrait
       Afin d'alléger le poids de l'attente, la jeune femme proposa de travailler sur l'éditeur de personnages inclus dans Sons of Doom. Ainsi, les Ruxis disposeraient d'un avatar qui leur ressemble. Afin de convaincre ses interlocuteurs, elle laissa entendre que ce travail resservirait lors de la création du nouveau jeu de rôles.
       Évidemment, les deux jeux s'appuyant sur des moteurs graphiques très différents, ce n'était pas le cas. Mais au moins, l'opération aurait le mérite d'attirer l'attention sur autre chose que ce fichu satellite, pendant que les équipes restées à bord du Viking effectueraient des relevés topographiques qui, eux, serviraient bel et bien à la création des décors.
       – Je me chargerai moi-même de ce travail, car j'ai une certaine expérience des éditeurs de personnages. Cependant, afin de paramétrer la morphologie et les mouvements de ces nouveaux avatars au plus près de la réalité, j'aurai besoin de mesures biométriques assez précises.
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Utopiales Ophélie Bruneau SF science fiction
Ophélie Bruneau, une photo de Mirabelle2


       ​​​​​​​La Notice de l’autrice
       Ophélie Bruneau est une autrice et illustratrice française née à Gien (Loiret - 45) en 1979. Elle a suivi des études d'ingénieur, et occupe dorénavant un emploi dans l'informatique.
       Ophélie Bruneau a écrit une dizaine de romans, presque le double de nouvelles, ainsi que des poèmes. Elle a également illustré plusieurs ouvrages et a coscénarisé une bande dessinée dans l'univers du « Donjon de Naheulbeuk ».
       Artiste pluridisciplinaire à la langue bien pendue, on continuera à suivre avec délectation son évolution au sein des mondes de l’imaginaire.


       Bonne lecture !

 

1 -  https://nanowrimo.org/

2 - Pour vous en convaincre, de nombreuses représentations d'Ophélie sont à retrouver sur ► cet article de blog très détaillé.

3 - À ce sujet, n’hésitez pas à écouter le podcast de Julie Beauzac « Esthétiser les femmes mortes », c'est édifiant.

 

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