Tom et le secret du Haunted Castle, de Stéphanie Benson

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       J’ai trouvé ce petit bouquin de Stéphanie Benson dans une boîte à livres. Et sur le coup, je n’ai pas bien compris le titre : Tom et le secret du Haunted Castle. Mais c’est quoi ce truc ? C’est en français ou en anglais ? Les deux, ma capitaine !


       Le Concept

       Tom et le secret du Haunted Castle est un roman d’une centaine de pages destiné aux enfants à partir de dix ans. Il nous raconte les aventures d'un jeune garçon, Tom, qui passe des vacances en Écosse avec son père. Dans un château hanté, comme il se doit. Mais ce roman a quelque chose de tout à fait spécial : une partie du texte est écrite directement en anglais. Le français et l’anglais sont mélangés.
       Le début se veut encourageant : beaucoup de mots sont traduits, car Tom demande leurs sens à son père. Et comme il est subtilement expliqué à plusieurs reprises, ce n’est pas grave si l’on ne comprend pas tout. Ce n’est même pas la peine d’essayer : grâce au contexte et à l’immersion partielle, rassurante, on comprend bien l’histoire.
       Le texte donne aussi quelques exemples de traductions « bizarres ». Par exemple, p. 23, on lit : « The children were never found » que le jeune Tom traduit par « Les enfants n’ont jamais été trouvés ». Pour comprendre immédiatement qu’en français, on ne dit pas « jamais trouvés », mais « jamais retrouvés » ! C’est une manière fort intelligente de montrer qu’on n’utilise pas forcément les mêmes tournures de phrase dans toutes les langues, chacune ayant ses spécificités et ses richesses propres. Mais cela n’empêche pas pour autant de comprendre le sens général du texte ou de la conversation.
       Autre point qui m’a semblé important, on vous apprend le respect des spécificités et des richesses de l’autre langue, mais aussi de sa culture, et notamment de sa culture culinaire ! Le roman se déroulant en Écosse, l’autrice nous parle forcément de « haggis », notamment p. 38 : « Tom regarda l’étrange préparation avec une certaine suspicion. Peut-être que s’il n'avait pas su de quoi le « haggis » était fait, il l’aurait goûté, mais après les explications de son père, le plat ne lui inspirait pas confiance.
 – Tu sais, dit son père en voyant la grimace de son fils, ce n’est pas plus dégoûtant que notre andouillette. Chaque culture a ses spécialités. » 
 


       En gros, vous allez bien au-delà du simple fait d’apprendre une langue étrangère en traduisant mécaniquement les mots ou les expressions. Vous apprenez tout ce qui va avec : le respect, la curiosité, l’ouverture à autrui. Même si, au début, l’autrice vous met en confiance avec des mots ou des expressions que l’on comprend très facilement, par exemple « packet of biscuits » qu’on aurait du mal à mal traduire ! Mais cela ne sonne absolument pas artificiel, le roman est très fluide, très agréable à lire. Et attention, la difficulté du vocabulaire et de la grammaire se corsent au fur et à mesure de la lecture, sans même qu’on s’en aperçoive !
       Bien que le livre soit destiné aux enfants, le vocabulaire n’est pas rudimentaire. Par exemple, pages 53 et 54, on vous enseigne le vocabulaire de l’équitation, et on vous explique, en anglais, comment monter sur un cheval ou un poney. Et, toujours page 54, on voit qu’un même mot peut avoir plusieurs significations, et que ça ne sert à rien de rester bloqué sur le sens que l’on connaît, et qui semble le plus évident, parce que ça nous empêche de comprendre le reste.
       L’autrice vous explique aussi que le ton de la phrase et le langage corporel sont tout aussi primordiaux pour véhiculer du sens, comme par exemple à la page 31 : « Tom ne comprit que les trois derniers mots, mais le ton de sa phrase était clair. Elle l’envoyait promener (...) »
       Bien sûr, dans le roman, ces éléments sont moins évidents qu’en « présentiel », mais ils sont parfaitement décrits. Du reste, vous pourrez facilement entendre le ton utilisé, puisque tous les extraits en langue anglaise sont écoutables et/ou téléchargeables ► sur le site ou depuis l’appli. Ça parle très doucement, c’est facile à suivre, même sans le livre sous les yeux. Les acteurs sont très bons et respectent même l’accent et la tonalité très particulière des Écossais en roulant les « r », c’est excellent (vous ai-je dit que j’ai habité en Écosse, et que par conséquent je parle anglais en roulant outrancièrement les « r », ce qui fait écarquiller les yeux à tous mes interlocuteurs, sauf dans dans la région de Glasgow ?) De petits jeux vous sont également proposés, mais ils sont plus scolaires : phrases à compléter, QCM sur le vocabulaire, petits thèmes ou versions, etc.

       Je trouve ces ouvrages bien mieux conçus et plus enrichissants que les simples livres bilingues classiques, où on a le texte en français d’un côté, et en anglais de l’autre. On finit toujours par lire une langue plutôt que l’autre, en vérifiant juste une traduction de temps en temps. Dans la collection Syros, vous êtes obligé de lire la version étrangère même si, au début, on vous épaule en traduisant, de façon subtile et parfaitement intégrée à l’histoire, des parties de texte, pour vous rassurer et vous encourager à continuer votre lecture dans une langue qui n’est pas la vôtre. Cette lecture n’a rien d’académique, ni de scolaire, elle n’est pas ennuyeuse, même pour un adulte.


       Diversité

       En revanche, Tom et le secret du Haunted Castle ne passe pas le test de Bechdel, mais ce n’est pas vraiment l’enjeu du livre – quoiqu’il y aurait matière à faire d’une pierre deux coups !
       Aussi, en dernière page, l’éditeur nous parle trois fois, en quelques lignes, de l’autrice comme d'un « auteur », carrément au masculin. Pour un ouvrage édité en 2020, ça fait un peu mal. Heureusement, ils ont corrigé sur leur site, j’espère que ça l’est également dans les ouvrages édités depuis, ou réédités.
       En anglais, la collection nous présente autant de garçons que de filles. On y trouve même des personnages racisés (il pourrait y en avoir plus, pour une fois, ça nous changerait !)
       En allemand, c’est un peu plus juste : cinq romans écrits par un homme, dont le personnage principal est un garçon. Un seul roman écrit par une femme, dont le personnage principal est une fille.
       Heureusement, l’espagnol rattrape le coup : des romans écrits par des hommes et des femmes, qui nous parlent tous de garçons et de filles, à égalité.
       Je n’ai pas vu de fautes (heureusement, allez-vous me dire, mais figurez-vous que ce n’est pas rare, loin de là !) J’ai juste remarqué qu’il y avait deux orthographes pour « petit-déjeuner », avec ou sans trait d’union. A priori, les deux sont acceptés, donc aucun souci. Est-ce par souci de montrer que les deux graphies sont possibles ? Je n’en mettrais pas ma main à couper.


       Les Autres Collections

       Il existe d’autres concepts, avec des BD qui mélangent les dialogues ou des romans avec un chapitre en français, le suivant en anglais, celui d’après qui reprend en français etc. Il existe aussi des livres pour les très jeunes enfants, Oops & Ohlala, où un petit personnage parle en français, et l’autre lui répond en anglais. Je n’ai pas essayé, je ne peux pas vous dire ce que j’en pense, mais les petits bouquins Syros restent la référence si vous voulez manier les deux langues avec la même aisance, et être capable de passer de l’une à l’autre sans même vous en rendre compte.


       À vrai dire, pour un adulte qui a étudié la langue en question, les textes sont peut-être un peu trop aisés. Ils n’en demeurent pas moins très plaisants à lire, pour faire une petite parenthèse. Je me demande si ce concept existe pour les livres adultes. Alors pour moi, l’anglais et l’espagnol sont très faciles d’accès. En revanche, je compte bien m’acheter les titres de la série allemande, et peut-être que je frimerais un peu moins ! « Emma et la Japanische Mangaka » ou « Martin et la mysteriöse Kreatur », ça claque, comme titres, non ? ;)
       Quoi qu’il en soit, Tom et le secret du Haunted Castle is a very pleasant book que vous apprécierez certainement.
       Bonne lecture !

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