Take it Easy, une ode au hasard
La sensation ludique du moment, avec une trentaine d'années de retard, c'est Take it Easy. Ce jeu a été créé par le britannique Peter Burley, que les joueurs connaissent également pour son succès commercial Kamisado. Depuis 1983, Take it Easy a connu des dizaines d'éditions dans des dizaines de langues différentes.
© Ender Wiggins sur BGG
Le principe est très simple. Une tuile est tirée au sort : chacun la cherche dans sa réserve et la place sur sa grille personnelle. Le
but du jeu est de marquer le plus de points possible en formant des lignes de même couleur allant d'un bout à l'autre de la grille, sans aucune interruption. Chaque couleur est représentée par un
nombre (le jaune vaut 9, le rouge vaut 6 etc.). Pour compter les points, on multiplie le nombre de tuiles par la valeur de la couleur. Par exemple, une ligne continue de cinq tuiles jaunes
rapporte 9 × 5 = 45 points ; une ligne continue de quatre tuiles rouges rapporte 6 × 4 = 24 points. Bien entendu, les lignes discontinues ne sont pas comptabilisées. Une partie normale se joue en
quatre manches et dure une quarantaine de minutes, mais il est parfaitement possible, en début de jeu, de décider de la longueur de la partie.
On pourrait reprocher à Take it Easy son manque total d'interactivité : chacun joue dans son coin. Certains critiquent également son esthétique peu affriolante. Mais le reproche majeur qu'on entend à l’encontre de ce jeu, c'est la présence de hasard.
Il faut toutefois noter que dans Take it Easy, le hasard est partagé : c’est le même pour tout le monde, au même moment. Il n’y a
pas une personne qui a une mauvaise tuile et les autres des bonnes : on a tous la même, en même temps. Selon ce qu’on a joué avant, selon la façon dont on a préparé le terrain, on va réussir ou
non à tirer le meilleur parti de cette tuile commune. Dans ce sens, on peut affirmer que Take it Easy est stratégique. La victoire se prépare en effet plusieurs coups à l’avance, comme dans les
meilleurs jeux de stratégie.
Le hasard vous garantit également que vos parties seront toujours renouvelées, et que tout le monde jouera au même niveau.
N’allez pas croire que les grands champions d’échecs ou de jeux abstraits sont des gens intelligents. Ce sont des gens comme vous et moi, sauf qu’avec la pratique, ils ont emmagasiné des milliers
de schémas de parties différents et quoique vous jouiez, ils sauront comment répondre et vous mettre dans l’impasse. Le hasard vient contrecarrer ce type de jeu “automatique” et, à mon sens, vous
offre une excellente occasion de faire preuve d’intelligence. À chaque coup, il faut en effet se réadapter, essayer de maximiser les éléments dont on dispose. C’est bien plus difficile que de
répéter un schéma pré-enregistré, et ça permet à tout le monde de jouer sur un pied d’égalité. Chaque nouvelle tuile appelle un petit défi, c’est cela qui rend Take it Easy particulièrement
addictif.
Petite note : dans certaines éditions, les lignes sont texturées ou comportent un motif. Dans d’autres, les traits sont parfaitement
rectilignes, mais ils comportent toujours une valeur (de 1 à 9) et ces valeurs ont toujours la même orientation. Cela permet aux daltoniens de jouer sans aucun souci, malgré la présence de
couleurs !
D’ailleurs, Take it Easy est tellement bon que des dizaines d’années après sa sortie, les meilleurs musiciens du monde continuent à en
chanter ses louanges jusqu’en Belgique :
Ghinzu - Take it Easy
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C'est chouette, la vie de joueuse !